Tierra del Fuego
récit de voyage no 11
À la découverte de la Terre de Feu ou La croisière s’amuse !?
À peine sortis du bus à Punta Arenas que deux jeunes nous sautent au cou en nous enlaçant, on jurerait que c’est nos enfants qui viennent nous accueillir tant ils sont heureux de nous revoir. Quel merveilleux sentiment ! Ce sont nos nouveaux amis Lisette et Timothy. Le jour précédent, nous sommes allés leur dire au revoir en leur mentionnant que le lendemain nous partions sur Punta Arena. Quelle belle surprise de les voir devant nous ! Ils semblent tout excités, car ils nous ont préparé plusieurs surprises. Ils nous ont réservé une chambre dans l’hostal où ils logent, puis ils nous emmènent manger au marché de poisons où un ami de Timothy joue de la musique, le soir, ils nous emmènent souper dans un resto typique pour y goûter des spécialités du coin et enfin cerise sur le gâteau, avec la surprise finale nous avons droit à un concert du fameux groupe Inti Ilimani, groupe chilien exilé en Itale sous la dictature, qui en avait interdit l’écoute au Chili. C’est une aubaine, car ce concert est donné au Casino de Punta Arenas et les prix d’entrées sont modiques. Journée mémorable.
Punta Arenas se trouve au bord du fameux détroit de Magellan, tout au sud du continent sud-américain. En face on y trouve une grande île appelée Terre de Feu. Ce nom lui a été donné par les premiers explorateurs qui aperçurent depuis leurs bateaux de surprenants bûchers constamment enflammés. Ceux-ci permettaient aux aborigènes (les Onas et les Yahgans) de se protéger du froid austral. Malgré le froid, ils ne portaient que peu de vêtements. Seuls le feu et leur métabolisme spécialement adapté (température corporelle supérieure à la nôtre d’un degré) les maintenaient au chaud. Ils emportaient des flambeaux allumés jusque dans leurs canoës.
Depuis bientôt 8 ans le manchot royal a réélu domicile en ces lieux et s’est installé sur les bords de la Bahia Inùtil, quel drôle de nom ! Pourquoi Inùtil ? Et bien, même si la baie est grande, elle est vivement déconseillée aux navigateurs, car les fonds sont peu profonds et en plus elle ouvre sur l’Ouest et n’est donc pas protégée des vents dominants. Inutile pour les uns, peut-être utile pour les autres ! La preuve les manchots eux se royaument.
La visite des manchots cela se mérite ! Nous partons avec un tour organisé et prenons le ferry de 9h qui nous amène de l’autre côté du détroit à Porvenir. Plus nous naviguons dans le détroit de Magellan et plus le vent forcit, et les vagues viennent se fracasser contre la coque qui craque de toutes parts. On se fait bien chahuter. Finalement un voilier même petit c’est plus confortable en cas de mauvais temps ! Le vent est si fort que la compagnie de ferry pour cause de sécurité se voit obligée d’interrompre pendant quelques heures la traversée. Nous rentrons de notre excursion à minuit, frigorifiés et fatigués, mais heureux d’avoir vu pendant une petite heure les manchots. On pourrait rester des heures à les regarder. Certains sont droits comme des i et marchent au pas à la queu leu leu. Ceux-là seraient bons pour faire une carrière de militaire, d’autres plutôt du style jésuite ont l’air de prêcher. Certains se donnent des airs de dandys, bref ce n’est pas les scénarios qui manquent.
Tout tour du modiste à la voile qui n’est pas passé par le Cap Horn rêve un jour de le contourner! Certain sont vaillants et le font avec leur propre bateau, d’autres comme nous en rêvent et finalement rendent leurs rêves réalités en s’offrant une croisière de luxe et confortable pour contourner cette île mythique située à l’extrême sud d’Amérique à une latitude de 55º56'S et une longitude de 67º19'O. Après quelques hésitations, car il est vrai que ce n’était pas vraiment prévu dans notre budget, nous décidons finalement d’aller à Ushuaia par voie maritime en passant par le Cap Horn. La majorité des passagers ont réservé leurs billets plus d’une année en avance tant cette croisière est prisée. La chance sourit aux audacieux ! Trois jours avant le départ nous profitons d’un Last Minute (moitié prix, non négligeable vu le prix élevé ) et c’est ainsi que nous nous embarquons durant 4 jours pour une croisière d’Expédition sur le Stella Australis www.australis.co.
Stella Australis a été construit en 2010. Il comporte 5 étages avec 3 grands salons, tous avec des grandes baies vitrées, et tout en bas il y a la grande salle à manger. Notre cabine est spacieuse et très confortable, comportant un gigantesque lit qui donne sur une grande fenêtre, ce qui nous permet même couchés d’admirer la beauté des différents paysages qui défilent toute la journée, tel un film. On voit voler des albatros, des pétrels, sauter des dauphins, otaries, baleines. Je dois avouer que la nuit nous ne dormons pas beaucoup, trop occupés à regarder par la fenêtre. Nous avons de la chance, la lune est presque pleine. À bord, nous sommes 133 passagers pour une capacité maximum de 210. Cela change de TiTOM, mais finalement parfois le confort n’a pas que du mal ! L’équipage est à nos petits soins et je ne vous parle pas des cuisiniers qui nous régalent de plats délicieux.
Nous n’avons pas le temps de nous ennuyer, bien au contraire ! Euh ! après quatre jours de croisière, nous avons besoin de quelques jours de vacances pour récupérer ! Pour ne pas perdre une miette de cette merveilleuse aventure, le matin à peine le soleil levé, nous sommes déjà sur le pont avec une tasse de thé bien chaude à admirer les splendeurs de la Patagonie. Et durant toute la journée, nous sommes occupés à immortaliser ces moments uniques si intenses par des photos, écouter des conférenciers traitant les différents sujets que nous visitons durant la journée, regarder des films documentaires. Et puis il y a les excursions à terre, en général deux fois par jour. Et enfin, il y a les apéros et les repas qu’il ne faut surtout pas manquer ce serait un sacrilège. Bref, il nous reste bien peu de temps pour souffler, mais cela en vaut largement la peine. Tout au long de notre navigation le bateau se pose pour quelques heures dans différents mouillages, le temps d’aller à terre, avant de continue sa route. Ci-dessous un bref aperçu de notre aventure maritime.
Jour 1: détroit de Magelan - Seno Almirantazgo -Baie Ainsworth - Glacier Marinelli - îlots Tuckers - Canal Gabriel
Nous sommes mouillés dans la Baie Ainsworth où se trouve le glacier Marinelli. Après avoir mis, comme il se doit nos habits chauds ainsi que nos gilets de sauvetage orange fluo, tels des bonshommes Michelin, nous sommes fin prêts pour glisser dans le dinghy qui nous amène à terre. Une petite balade d’une heure nous fait découvrir un splendide panorama montagneux avec au loin un glacier. Nous découvrons également la flore de cette région et sur notre chemin nous croisons un renard ainsi que des éléphants de mer.
Puis nous continuons notre navigation jusqu’aux îlots Tuckers, c’est là que nous allons visiter toujours sur nos dinghies une colonie de cormorans et de manchots, et en route quelques dauphins viennent nous souhaiter la bienvenue.
Jour 2 : Canaux Ballenero et O’Brien - Bras NW Canal Beagle - Fjord et Glacier Pìa - Avenue des Glaciers
Journée spectaculaire, sous le signe des glaciers ! Dès le matin, nous naviguons le long d’un canal, on dirait une vraie avenue de Glaciers. Nous ne savons plus où donner de la tête tant le spectacle est grandiose. Puis notre bateau mouille pour quelques heures au milieu d’un beau fjord encerclé de glaciers. Cette fois-ci, notre excursion nous amène au pied du splendide glacier Pìa. Pour y accéder, il faut slalomer entre les growlers. Spectacle inoubliable.
Puis notre route continue et tout au long du canal nous découvrons les glaciers Romanche, Alemania, Francia, Italia et Hollandia. Ce qui est amusant c’est que ces différents glaciers se trouvent assez proches les uns des autres. Imaginez que nous les passons à l’heure de l’apéro. Tous les participants se trouvent dans le salon supérieur et admirent le déroulement des différents glaciers. Pour chacun d’eux, il y a de la musique et l’apéro typique du pays. Ainsi en passant le long du glacier Alemania nous entendons de la musique allemande et buvons de la bière accompagnée de saucisses, puis devant le Glacier Francia, avec comme fond sonore Édith Piaff nous buvons du Champagne accompagné de fromage, et ainsi de suite, de quoi être complètement paf avant le souper !
Autre surprise inimaginable du jour ! Un des passagers suisses est venu avec son cor des Alpes, il est en carbone et rétractable, un vrai James Bond ce compatriote ! Non il n’y a pas de Glacier Suisse et pourtant on pourrait le croire. Pascal, une autre Suissesse et moi découvrons sur le pont de l’étage inférieur un Bâlois tout seul soufflant dans son instrument à rallonge. Sur le coup, notre âme patriotique se réveille et nous ne pouvons nous empêcher de chanter en choeur yoba ! C’est un moment magique de chanter ensemble le yoba accompagné d’un cor des Alpes avec comme arrière-fond des glaciers. Il ne manque plus que la fondue ! Et la Patagonie dans tout ça?
Jour 3 : Canal Murray - Baie Nassau - îles Wollaston - Cap Horn - Baie Wulaia
C’est le jour tant attendu par tous les passagers ! Nous arrivons tôt le matin au mythique Cap Horn. Nous venons de rejoindre l’extrême sud de l’Amérique ! Il est 7h et tout le monde est prêt sur le pont pour débarquer. Nous avons beaucoup de chance avec le temps, car dans cette région du monde la mer est connue pour être parfois déchaînée. Aujourd’hui, le Cap Horn est prêt à nous recevoir, malgré la pluie la mer est clémente et le vent faible. Nous restons environ une heure à visiter le monument du Cap Horn, qui est de 7 m de haut et qui représente un grand albatros, en mémoire des marins qui périrent dans leur lutte contre les forces de la nature dans les mers australes proches de ce cap légendaire. Celui-ci a été malheureusement endommagé par un violent vent en novembre dernier, il ne reste plus que la moitié de l’albatros. Ces beaux oiseaux vagabonds incarnent, selon la superstition, l’esprit des marins pris par la mer.
"Je suis l’albatros qui t’attend au bout du monde. Je suis l’âme oubliée des marins morts qui traversèrent le Cap Horn depuis toutes les mers de la terre. Mais ils ne sont pas morts sur les vagues furieuses, ils volent aujourd’hui sur mes ailes, vers l’éternité, dans la dernière crevasse des vents antarctiques".
Puis nous visitons le phare et la petite chapelle. Il n’y a qu’une famille de quatre personnes qui vivent sur l’île. Ce sont les gardiens du phare. Heureusement, elle n’y reste qu’une année, puis c’est au tour d’une autre famille.
Nous sommes devenus des Cap Horniers, c’est un peu facile ! Allez ! il suffit d’ y croire, nous sommes quand même venus jusqu’ici même si ce n’était pas sur TiTOM.
Après chaque excursion à terre et avant de rejoindre le bateau, nous avons droit à un chocolat chaud, digne du chocolat suisse, et avec un trait de whisky. C’est droit divin ! Rien que pour déguster ce chocolat spécial, cela vaut la peine de faire les excursions !
Alors que nous faisons une croisière tout confort, il m’arrive de penser à tous ces vaillants et courageux explorateurs tels que Magelan, Francis Drake, entre autres, qui ont osé s’aventurer pour la première fois sans carte dans ces labyrinthes, où forts venturis et hauts fonds sont fréquents. Lors de notre passage à Punta Arenas, nous sommes allés visiter une reproduction grandeur nature du Nao Victoria, unique bateau des 4 de Magellan qui accomplit le premier tour du monde. Dieu que c’est petit et précaire !
Jour 4 : arrivée à Ushuaia (Argentine)
Euh c’est déjà fini ?!
Nous avons eu de la chance durant toute notre croisière, le temps est resté clément et la navigation s’est faite toute en douceur !
Je pourrais encore continuer à écrire tant nous avons des images plein la tête, mais il est temps d’envoyer cette chronique, d’autres aventures terrestres nous attendent. Alors pour être très bref, cette croisière a été parfaite et restera inoubliable, c’est une expérience fantastique et nous ne pouvons que la recommander à tous ceux qui sont intéressés par cette région du monde. Mais attention elle n’est pas donnée, heureusement que nous avons pu bénéficier des prix du last minute !
Petite maxime pour la fin
"Il n’y a que deux jours dans une année où l’on ne peut rien faire. Ils s’appellent hier et demain" Dalaï Lama